Depuis son inauguration en janvier 2010, la flèche de verre et d’acier qui domine le quartier Down Town, Burj Khalifa, conserve, avec ses 828 m de hauteur et 160 étages habitables, son titre de plus haute tour du monde. Annoncé par le groupe Emaar Properties, première entreprise du bâtiment de Dubaï, en 2003, le chantier avait démarré en septembre 2004.
Le projet s’inscrivait dans un plan d’urbanisme visant à créer un nouveau centre pour Dubaï, en retrait du littoral, destiné à devenir le nouveau cœur du monde des affaires, avec ses neuf grands hôtels, ses 30 000 appartements et le Dubaï Mall, plus vaste centre commercial du monde. Cette tour symbolisait l’ambition planétaire de la Dubaï Enterprise aux côtés d’autres chantiers futuristes : les trois Palm Islands échelonnées sur le rivage et l’archipel artificiel pour milliardaires The World.
Mais le projet, initié au lendemain de la crise asiatique de 1998, ne suscita pas qu’un concert de louanges. Outre des jalousies qui se traduisirent chez les voisins en projets concurrents, la conscience occidentale fut heurtée par la condition faite aux ouvriers originaires de l’Asie du Sud dans la péninsule arabique : une grève éclata sur le chantier en mars 2006 pour de meilleures conditions de salaire, de travail et de sécurité. Avec la montée des préoccupations environnementales furent également dénoncés les impacts en termes de consommation de sable, de ciment, d’énergie et de production de CO2.
La crise des subprimes de 2008 vint assombrir encore plus l’aboutissement du projet : Dubaï en faillite quémanda l’aide de sa voisine Abu Dhabi, plus fortunée. Les 10 milliards de dollars accordés ne le furent qu’à la condition d’un humiliant changement de nom de la tour, rebaptisée Burj Khalifa, du nom du prince régnant d’Abu Dhabi, président de la Fédération des Émirats arabes unis. L’échec de l’ambition de Dubaï de jouer un rôle concurrent de celui d’Abu Dhabi au sein de la Fédération a été parachevé par l’abandon ou le report d’autres projets comme l’archipel The World, de deux des trois Palm Islands, avant qu’à travers le même groupe Emaar, Dubaï ne se lance en octobre 2016 dans un nouveau défi, avec la tour Dubaï Creek dépassant le kilomètre de hauteur, et dont l’inauguration devrait intervenir avant l’Exposition universelle de Dubaï projetée en 2020.
Mais la mauvaise manière d’Abu Dhabi à l’égard de sa rivale est révélatrice de la fragilité des relations entre les cités de la Fédération des Émirats arabes unis, fondées plus sur des rapports de force que sur une vision commune.