Depuis les années 1980-1990, l’intérêt pour une éducation préscolaire, favorisant l’épanouissement personnel de l’enfant et sa préparation à l’enseignement primaire, s’accroît rapidement dans les pays du Sud, et ceux du Maghreb et du Moyen-Orient s’inscrivent dans cette tendance globale. Les actions qui y ont cours sont généralement soutenues par des organismes régionaux, internationaux et des bailleurs de fonds (Agfund, Unicef, Unesco, Banque mondiale) qui influencent le panorama éducatif et politique global avec leurs aides et paradigmes.
Dans certains pays comme la Tunisie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, l’éducation préscolaire concerne les enfants de trois à cinq ans, l’entrée à l’école primaire se faisant à six ans. Dans aucun de ces pays, le niveau préscolaire n’est officiellement obligatoire. Cette spécificité laisse le champ libre à l’initiative privée qui a largement contribué à son développement depuis le XXe siècle. Au début du siècle dernier, les structures préscolaires (écoles maternelles, crèches et garderies) tunisiennes et égyptiennes sont principalement payantes et plutôt réservées aux enfants des familles aisées locales et étrangères. Les gouvernements s’intéressent toutefois à l’ouverture de structures publiques depuis la fin des années 1950. Ainsi, en Tunisie, les premières structures préscolaires municipales ouvrent à Bab al-Khadra en 1959 et à L’Ariana en 1962. En ce qui concerne les Émirats arabes unis, le premier jardin d’enfants public est inauguré à Abu Dhabi en 1972.
Cependant, les services publics ne suffisent pas longtemps à satisfaire la demande de lieux d’accueil pour enfants. Dans le cas émirati, l’arrivée d’expatriés à la suite de la croissance économique concoure à l’ouverture d’établissements privés qui promeuvent des priorités éducatives, linguistiques et pédagogiques nouvelles, valeurs également partagées par les tenants du secteur préscolaire privé tunisien et égyptien. La pression sociale et la conviction que la réussite scolaire se joue dès le plus jeune âge contribuent à accroître la demande d’espaces où l’apprentissage de base promettant un bon départ scolaire devient prioritaire. Face aux attentes des familles, la diversification de l’offre privée prend les dimensions d’un véritable marché. Les établissements privés connaissent une croissance exponentielle. À l’instar d’entreprises commerciales, ils multiplient les services d’accueil « de qualité », sponsorisent des méthodes pédagogiques dites « modernes », garantissent la réussite scolaire grâce à l’apprentissage de langues étrangères. Quelques chiffres permettent de quantifier l’ampleur de ce marché privé. En Égypte, en 1988-1989, on compte plus de 700 établissements et 3 000 classes préscolaires privées contre une centaine d’écoles maternelles et moins de 400 classes préscolaires publiques. En Tunisie, les jardins d’enfants privés passent de 262 en 1990 à 1 168 en 2000. Aux Émirats arabes unis, en 2009, il n’y avait que 15 jardins d’enfants publics pour 123 privés. Si le pourcentage d’enfants fréquentant un jardin d’enfants y est fort élevé (96,8 % – 70,3 % dans le privé et 26,5 % dans le public), ceci ne dépend en aucun cas de l’expansion du marché privé et, ainsi, dans d’autres cas, les taux de préscolarisation restent faibles comme en Égypte (27,5 % en 2012) et en Tunisie (40,2 % en 2015).
Le développement de l’éducation préscolaire est une affaire globalisée qui profite largement de l’expertise et du soutien financier et structurel d’organismes régionaux, internationaux et des bailleurs de fonds. Aux Émirats arabes unis, encore, le Centre de développement pour les jardins d’enfants ouvert à Dubaï en 1994 par le Programme arabe de développement du Golfe (Agfund) a bénéficié de l’aide de l’Unicef. En 2003, la Banque mondiale alloue un prêt de 20 millions de dollars au gouvernement égyptien pour un projet de développement destiné à la petite enfance. L’année suivante, un centre pour la petite enfance est inauguré à la Cité de l’éducation, dans le gouvernorat du Six-Octobre, à 38 km au sud-ouest du Caire, grâce à l’aide de l’Unesco et de l’Agfund. Le gouvernement tunisien a, quant à lui, signé en 2018 un accord-prêt (100 millions de dollars) avec la Banque mondiale pour un projet visant les écoles publiques préscolaires.