Capitale des Émirats arabes unis, Abu Dhabi est aussi la capitale de l’émirat éponyme, qui concentre la majorité des réserves en hydrocarbures du pays. Fondée sur une presqu’île du golfe Arabo-Persique, la ville entretient des liens historiques avec son arrière-pays, notamment les oasis de Liwa et d’Al-Aïn. Son urbanisation récente, à partir du milieu des années 1960, a été accompagnée d’une forte croissance démographique due en grande partie aux migrations de travail : elle compte aujourd’hui 1,8 million d’habitants, dont 83 % sont étrangers.
Une urbanisation récente
Le peuplement d’Abu Dhabi débute à la fin du XVIIIe siècle : selon la légende, des membres de la confédération tribale Banî Yâs suivirent la trace d’une gazelle [dhabî] qui les mena à une source d’eau potable. C’est de cette espèce animale très répandue dans la région que la ville tient son nom. Les premiers habitants s’installèrent sur la côte de façon saisonnière, alternant entre la pêche et la cueillette des dattes dans les oasis. L’expansion du commerce des perles, à partir de la fin du XVIIIe siècle, oriente un mouvement général de déplacement des populations bédouines de l’intérieur vers les côtes ; le siège du pouvoir tribal s’installe alors à Abu Dhabi. En 1793 est bâti le Qasr al-Hosn, résidence fortifiée des chefs tribaux qui restera longtemps le seul bâtiment en dur.
Des années 1820 à la fondation des Émirats arabes unis le 2 décembre 1971, Abu Dhabi fait partie des États de la Trêve, les territoires de la rive arabe du Golfe sous domination britannique. Sa démographie suit les aléas de l’économie perlière : en 1962, date du début de l’exploitation commerciale du pétrole, Abu Dhabi fait figure de petit village de pêcheurs comptant aux alentours de 4 000 habitants. Son destin change le 6 août 1966, lorsque le cheikh Zayed al-Nahyan, alors gouverneur d’Al-Aïn, prend la tête d’Abu Dhabi après avoir déposé son frère aîné, Chakhbout, avec l’aide des Britanniques. Zayed a le projet d’une fédération in-dépendante regroupant les émirats de la région et engage un programme d’urbanisation rapide afin de faire d’Abu Dhabi la capitale du nouveau pays.
De capitale arabe à métropole globale
Le développement d’Abu Dhabi dans la seconde moitié du XXe siècle est donc d’abord le fruit d’une volonté politique. Outre la mise en place d’infrastructures urbaines qui sont toutes à créer (routes, réseaux électrique et d’eau potable, égouts), les premières étapes de ce développement visent à sédentariser les populations nomades tout en redistribuant les revenus pétroliers. Ce projet passe, notamment, par l’attribution de terrains résidentiels et commerciaux à ces dernières et, pour les populations bédouines les plus défavorisées, par des programmes de construction de logements populaires [buyût cha’biyya] qui leur permettent de conserver un lien avec le mode de vie pastoral. Le projet de faire d’Abu Dhabi une capitale arabe moderne se reflète dans les réalisations architecturales de l’époque, dont le style moderniste en vient à caractériser la ville. Abu Dhabi se dote ainsi d’un souk, d’une cité sportive ou encore d’une fondation culturelle ; elle abrite également le siège des principales institutions fédérales. L’importante croissance démographique provoquée par les migrations de travail, d’abord depuis les pays arabes puis l’Asie du Sud, entraîne l’expansion progressive de la ville, vers le continent mais aussi sur la mer : les remblais font passer la surface de l’île de 6 000 à plus de 9 400 ha en l’espace de vingt ans.
Le début du XXIe siècle – en particulier à partir de 2004, date de la mort de Zayed auquel succède son fils Khalifa – inaugure une nouvelle étape de l’urbanisation. Les architectures se font plus spectaculaires, avec la multiplication des shopping malls, des hôtels de luxe ou encore des monuments tels que la Grande Mosquée, achevée en 2007. Les régulations limitant la hauteur des immeubles sont supprimées. Les nouveaux développements répondent au leitmotiv de la diversification économique, qui vise à préparer l’après-pétrole en investissant dans le tourisme et « l’économie de la connaissance ». À l’échelle urbaine, ils s’incarnent notamment dans les nouvelles îles semi-artificielles telles que Yas, consacrée au divertissement, qui accueille des parcs d’attractions et un circuit de Formule 1, ou encore Saadiyat et son « quartier des musées ». Ces projets connaissent toutefois des fortunes diverses : si le Louvre Abu Dhabi est finalement inauguré en 2017 sur l’île de Saadiyat, la « ville verte » de Masdar, censée incarner la progression de l’émirat vers une économie durable, a connu un fort ralentissement. L’ambition culturelle de la capitale, orientée vers la scène régionale et globale, est également sensible dans l’organisation d’événements tels que la Foire du Livre, ou dans ses investissements éducatifs, avec l’implantation à la fin des années 2000 de deux prestigieuses universités étrangères, Sorbonne University Abu Dhabi et New York University Abu Dhabi.
Une société urbaine cosmopolite mais ségréguée
Abu Dhabi est souvent considérée comme une ville plus « arabe » et plus familiale que sa voisine Dubaï. Cette réputation est liée en partie à la présence des administrations, qui avait conduit au recrutement préférentiel de populations arabophones. Nombre de ces migrants se sont installés durablement sur deux, voire trois générations. La densité de l’habitat sur l’île principale a donné naissance à un centre-ville cosmopolite : à l’opposé des clichés sur les villes du Golfe, les îlots d’immeubles, les parcs ou encore la corniche sont des lieux de rencontres et de sociabilités intenses entre résidents de diverses nationalités. Le patrimoine urbain des années 1970 est ainsi devenu objet de mémoire et plusieurs tentatives pour le sauvegarder ont été menées à l’initiative des résidents. À l’inverse, les développements récents tendent à renforcer les ségrégations selon la nationalité et la classe sociale, en déplaçant les populations nationales vers les banlieues, d’une part, et en créant des communautés résidentielles fermées, en périphérie de l’île principale, destinées aux populations les plus aisées, d’autre part.