Murs & frontières – Villes frontalières, villes frontières ? La présence syrienne à Gaziantep et Antakya

Depuis 2011, le conflit syrien a entrainé des déplacements de populations importants dans la région. D’après Ankara, plus de 3 millions de Syriens ont trouvé refuge sur le territoire national turc, répartis entre les grandes villes de l’Ouest, poumon économique du pays, ainsi que dans les villes frontalières de la Syrie, notamment à Gaziantep et Antakya (Hatay). Ces deux provinces sont distantes d’Alep de seulement quelques heures de route et, en 2018, la présence syrienne y est estimée à 830 000 personnes – 390 000 à Gaziantep et 440 000 à Hatay. Ces chiffres officiels sont à considérer avec prudence mais fournissent néanmoins un ordre de grandeur du nombre de réfugiés.

Une forte histoire commune et la proximité géographique expliquent en partie l’installation des Syriens dans ces espaces. Dans les dernières décennies de l’Empire ottoman, Gaziantep et Hatay dépendent administrativement de la province d’Alep et, en 1920, le traité de Sèvres place les deux villes sous mandat français. Gaziantep est finalement rattachée à la Turquie en 1924 à la suite de la guerre d’indépendance turque, puis il en est de même pour Antakya en 1939.

À Gaziantep, pôle économique régional important, les Syriens participent activement au dynamisme économique de la ville. Selon la chambre de commerce locale, en 2018, parmi les 8 000 sociétés de la ville, 1 600 sont syriennes. Elles sont particulièrement implantées dans le domaine du textile, du commerce et de la fabrication de chaussures. Outre l’aspect économique, la présence syrienne à Gaziantep est visible à tous les échelons de la ville et particulièrement dans les espaces publics centraux.

À Antakya, en revanche, les Syriens se sont concentrés dans les périphéries plus ou moins éloignées telles que Narlica, Reyhanli ou Kirikhan. Ils y investissent « informellement » les secteurs de l’agriculture et de la construction ou y développent des commerces de proximité. L’absence des Syriens dans le centre-ville s’explique principalement par deux facteurs : tout d’abord, le coût prohibitif de l’immobilier dans la ville d’Antakya leur rend l’accès au logement impossible ; ensuite, le centre-ville connaît une forte présence alaouite que le conflit syrien place dans une position particulière. Pris à parti entre leur appartenance communautaire, identique à celle du régime de Bachar el-Assad, et leur citoyenneté turque, les Alaouites d’Hatay perçoivent la présence des réfugiés syriens sunnites avec une inquiétude qui peut être source de tensions.


Auteur·e·s

Foucher Adrian, géographe, Université de Tours


Citer ce focus

Foucher Adrian, « Murs & frontières – Villes frontalières, villes frontières ? La présence syrienne à Gaziantep et Antakya », Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, Tours, PUFR, 2020
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