Nom de localité dérivé de l’arabe sa’âda qui veut dire « bonheur », « félicité », Saadiyat désigne une île de 27 km2 du golfe Persique, située à environ 500 m au large d’Abu Dhabi, à la fois capitale de l’émirat du même nom et des Émirats arabes unis. Depuis 2009, un pont, qui porte le nom de Khalifa, émir de la principauté et président de la Fédération, les relie. Mais ce sont ses demi-frères puînés et principaux rivaux politiques, dont le prince héritier Mohammad bin Zayed est le chef de file, qui ont pris le contrôle de l’urbanisation de Saadiyat en 2004. Longtemps promise à des projets industriels, l’image de l’île a depuis été étroitement associée par eux à la culture via des projets de musées rendus publics en 2006. Ils annoncèrent alors la création sur un dixième de sa surface d’un « district culturel » articulé autour d’un centre des arts du spectacle et de trois musées, tous dessinés par des architectes renommés – Franck Gehry, Jean Nouvel, Tadao Ando, Norman Foster et Zaha Hadid – et confiés à des prestataires de service étrangers plus célèbres encore – la Fondation Guggenheim, le British Museum et le musée du Louvre. Pour gérer la délégation de ces projets à des ressources humaines principalement occidentales, une organisation fut créée en 2004, l’Abu Dhabi Tourism and Culture Authority (ADTCA), dont la mission officielle est d’œuvrer à la diversification de l’économie par le tourisme pour préparer l’après-pétrole. Mais en 2019, parmi ces cinq projets, seul le Louvre Abu Dhabi avait dépassé le stade de la maquette et des images de synthèse. Quant à l’ADTCA, elle avait surtout permis au prince héritier d’Abu Dhabi de tendre au monopole de la représentation politique des Émirats arabes unis par la culture sur la scène internationale, et tout particulièrement devant les élites des puissances militaires et technologiques occidentales, au détriment de ses concurrents princiers et de la classe moyenne nationale fonctionnarisée, totalement exclue de la conception et de la mise en œuvre de ces projets.