Lieux de mémoire – Casamémoire ou les mémoires d’une ville

Casamémoire, association à but non lucratif, est créée en 1995 en réaction à plusieurs démolitions de bâtiments à l’architecture coloniale remarquable, notamment celle de la villa El Mokri, réalisée en 1932 par l’architecte Marius Boyer. Elle naît à l’initiative de plusieurs Casablancais – architectes, artistes, journalistes, enseignants, etc. – amoureux de leur ville et voulant démontrer que Casablanca offre de nombreux édifices de qualité, contrairement aux idées véhiculées à l’époque sur la capitale économique du Maroc, considérée comme peu digne d’intérêt. Le but de l’association est la protection et la valorisation du patrimoine architectural, le développement du tourisme culturel et la préservation de la mémoire collective. Ainsi, Casamémoire commence son action de sensibilisation par l’organisation de conférences et de visites guidées de la ville, destinées aux étudiants, aux décideurs, aux touristes ou aux simples curieux.

En 1998, la publication de Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine, de Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, donne une base scientifique à l’action militante de l’association. Deux ans plus tard, lors de l’exposition Casablanca, mémoires d’architectures présentée à la Villa des Arts, Casamémoire organise une série de tables rondes sur le thème de la préservation du patrimoine bâti et interroge la question de l’appropriation du patrimoine colonial. L’événement, largement relayé par les médias, permet à Casamémoire de monter en puissance et de nouer des partenariats avec plusieurs institutions. L’association se restructure, se développe et organise de nombreuses actions au succès notable comme les Journées du patrimoine, l’université populaire du patrimoine ou encore la coordination du projet de transformation des anciens abattoirs de Casablanca en fabrique culturelle. Surtout, Casamémoire ouvre son champ d’action au patrimoine mémoriel, bien au-delà de l’architecture dite « coloniale », en travaillant sur la mémoire des « années de plomb » du règne du roi Hassan II, notamment sur le quartier de Hay Mohammedi. Elle participe activement à la préparation du dossier de candidature de Casablanca pour son inscription sur la liste du patrimoine mondial.

Depuis vingt ans, Casamémoire a réalisé un travail de sensibilisation remarquable. Son action a permis de changer le regard sur Casablanca, tant pour les habitants eux-mêmes que pour les personnes extérieures, qui méprisaient cette ville et la trouvaient sans intérêt. Ce travaildevrait se prolonger par l’ouverture de son champ d’action à d’autres catégories du patrimoine ainsi qu’à un public plus arabophone. Il est nécessaire de souligner également que l’enjeu stratégique pour la pérennité de Casamémoire réside dans la nature des relations, parfois difficiles, entre l’association et les autorités, dont certaines actions sont en phase avec les objectifs de l’association, alors que d’autres ne peuvent être cautionnées.


Auteur·e·s

Kassou Abderrahim, architecte indépendant


Citer ce focus

Kassou Abderrahim, « Lieux de mémoire – Casamémoire ou les mémoires d’une ville », Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, Tours, PUFR, 2020
https://abc-ville-mamo.univ-tours.fr/focus/lieux-de-memoire-casamemoire-ou-les-memoires-dune-ville/