Politiques d’aménagement – Gouvernance urbaine et redistribution de la population à Casablanca

Casablanca bénéficie d’un poids démographique (20 % de la population totale) et d’une puissance économique (32 % du PIB) majeurs à l’échelle nationale. Mais la capitale économique se trouve confrontée à des défis entravant son développement : chômage, faible productivité, épineuse question des bidonvilles, de l’accès au logement et à la mobilité, dégradation de l’environnement. Or, la complexité de son mode de gouvernance ne facilite pas l’efficacité de l’action des pouvoirs publics, préoccupation soulignée par un discours royal en octobre 2013 qui évoquait « un déficit de gouvernance ». La réforme régionale de 2015 a encore davantage tout à la fois densifié et dilué un dispositif institutionnel constitué de 18 autorités nommées, 170 autorités élues, 24 administrations régionales dé-concentrées, 17 institutions de planification, 19 opérateurs, 15 sociétés délégataires, etc. Au total, cette longue liste additionne 266 entités en 2018 ! La fragmentation qui en découle nuit à la cohérence de l’action publique.

Pourtant, l’analyse des choix effectués dans le domaine de l’habitat témoigne d’une forme de convergence en termes d’effets sociaux et urbains de ces politiques : depuis dix ans, les programmes de lutte contre la précarité dans le logement concernent plus de 1,2 million d’habitants relogés – ou appelés à être relogés – dans des zones périurbaines. Le transfert systématique hors de la municipalité de Casablanca des populations démunies a abouti au plus vaste et intense mouvement de mobilité que la métropole n’ait jamais connu. Dès lors, l’enjeu ne se situe pas seulement dans la mise à disposition des intéressés d’un appartement ou d’un lot, mais surtout dans la capacité des pouvoirs publics (État, région, municipalités) à éviter que, dans les zones lointaines assignées bon gré mal gré aux habitants, ne se constituent de nouveaux espaces de relégation. À l’étalement urbain qui en résulte s’ajoutent ainsi les problématiques de transports publics, de services publics, d’accès au travail et de tout ce qui est nécessaire pour que les « bénéficiaires » disposent des conditions d’une vie sociale et urbaine décente.

De façon plus générale, afin de répondre aux défis qui se posent – et que posent les citadins eux-mêmes lors de leurs mobilisations –, il devient urgent de réfléchir à une structure de gouvernance à une échelle géographique pertinente, permettant d’encadrer l’action de l’État sur le territoire métropolitain et de garantir la cohérence de l’investissement public qui tiendrait compte des communes périphériques. Plusieurs projets majeurs sont initiés ou programmés par la ville et la région, à hauteur de 14 milliards d’euros entre 2015 et 2023. Une mise en cohérence de ces actions dans le cadre d’une stratégie partagée par tous s’impose pour construire un projet métropolitain collectif qui offrirait aussi davantage de justice spatiale.


Auteur·e·s

Kaioua Abdelkader, géographe, Université Hassan II, Casablanca


Citer ce focus

Kaioua Abdelkader, « Politiques d’aménagement – Gouvernance urbaine et redistribution de la population à Casablanca », Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, Tours, PUFR, 2020
https://abc-ville-mamo.univ-tours.fr/focus/politiques-damenagement-gouvernance-urbaine-et-redistribution-de-la-population-a-casablanca/